Ceux qui marchent dans les villes, Jean-François Dauven
Flammarion, 303p.
Quand parfois l'après-midi traîne un peu en
longueur ou que j'attends pour avancer une réponse à un mail, je vais
au bout du couloir, voir ce qu'il y a dans le carton. Des bouquins en
japonais ou en grec, des essais sur des auteurs inconnus (de moi en
tout cas), et parfois, quelques romans.
Ceux qui marchent dans les villes
est de ces titres qui attirent, évidemment, quand je ne rêve que
d'errances le sac au dos. Quand j'envoie un message quelques jours
avant pour parler de Camus et de ce qu'il dit sur les arrivées dans les
villes étrangères.
(La nuit, les arrivées solitaires dans les
villes inconnues – cette sensation d’étouffement, ce dépassement par un
organisme mille fois plus complexe. Il suffit que le lendemain on
repère la rue principale, tout s’ordonne par rapport à elle et nous
nous installons. Collectionner les arrivées nocturnes dans les villes
étrangères, vivre de la puissance de ces chambres d’hôtel inconnues. Carnets II)
Ces
villes-là sont au nombre de dix, neuf réelles et une imaginaire. Des
histoires, elles, on ne sait si elles sont réelles ou imaginaires, mais
une chose est sûre : les personnages qui s'y croisent sont humains. On
y rencontre un pianiste qui commence à boire le jour où il s'aperçoit
qu'il ne sera jamais qu'un pianiste de bar, une jolie fille qui fuit
l'appartement qu'elle habitait avec son copain le jour où celui-ci la
quitte sans explication. On y fait la connaissance d'artistes un peu
bobos qui mangent des palourdes en écoutant Vivaldi, on y parle de
machines à café, d'auteurs méconnus, d'une thèse de linguistique
française en Espagne, de lettres jamais ouvertes, d'appels jamais
passés. Le tout sous une canicule qui enfonce l'Europe dans une torpeur
étrange, où les sentiments semblent à la fois exacerbés et endormis.
J'hystérise quand chaque personnage est lié au précédent, par-delà les
kilomètres et les frontières - évidemment, je sais que c'est fait exprès, mais j'avoue, j'hystérise quand même.
Et
pourtant, j'hésite. Entre le cliché - "Londres, l'inépuisable", "Rome,
la souveraine", "Marseille, l'exubérante" - rien de bien
révolutionnaire, et la tendresse avec lesquelles ces villes sont
évoquées. Entre le style parfois facile, (des phrases sur les amitiés
qui débutent autour d'une confidence, blabla) et l'art de la formule
que l'auteur maîtrise plutôt bien. L'ensemble me laisse un goût
étrange, doucereux, légèrement agaçant. Et pas seulement parce que moi
aussi, j'aimerais être de celles qui marchent dans les villes.